Du Fu (杜甫)  est le Poulidor de la poésie chinoise. Il est celui qui confine à la perfection, mais la perd en la cherchant trop. Sa poésie est élégante, raffinée, délicate, morale; (presque) tout le contraire du ton spontané et du mépris des conventions qu’affecte son ami Li Bai, prince des poètes chinois.

A l’occasion, cependant, Du Fu se lâche un peu et, comme c’en était la mode à l’époque, joue les poètes ivres et désargentés. C’est le cas dans la deuxième section du « Poème de la rivière Qu [courbe] » (曲江二首)

Voici le poème et trois traductions:

朝回日日典春衣,每日江头尽醉归。
酒债寻常行处有,人生七十古来稀。
穿花蛱蝶深深见,点水蜻蜓款款飞。
传语风光共流转,暂时相赏莫相违。

Traduction mot-à-mot:

朝回 – 日日 – 典 – 春衣
Revenir – jour-jour – mettre en gage – habit de printemps
每日 – 江头 – 尽 – 醉 – 归
Chaque jour – fleuve – extrêmement – ivre – revenir
酒债 – 寻常 – 行处 – 有
Dettes de boisson – commun/ordinaire – partout- avoir
人生 – 七十古 – 来 – 稀
Vie d’un homme – soixante-dix ans – atteindre – rarement

穿 – 花 – 蛱蝶 – 深深 – 见
Passer – fleur – papillon – profondément –  être présent
点水 – 蜻蜓 – 款款 – 飞
Marcher sur l’eau – libellule – doucement – volent
传语 – 风光 – 共 – 流转
Transmettre (une info) –  paysage – ensemble – s’attarder
暂时 – 相赏 – 莫 – 相违
Temporaire – apprécier/profiter – ne pas – aller contre/se séparer

Traduction en bon français:

Chaque jour après labeur, je donne une tunique en gage;
Chaque soir je vais au fleuve, j’en reviens ivre mort.
J’ai partout des dettes d’alcool –
Peu d’hommes vivent jusqu’à soixante-dix ans.

Les papillons virevoltent dans les massifs de fleurs,
Les libellules voltigent à la surface de l’eau.
Ecoutez la nature: attardez-vous!
L’heure est brève, aimez et jamais ne vous séparez!

Traduction en français comme qu’on le cause aujourd’hui:

Chaque jour après l’boulot, j’vais dépenser mes sous,
Chaque soir je sors en boite et j’rentre beurré comme une huître.
Mon banquier n’veut plus m’parler, j’suis trop dans l’rouge,
Mais à quoi ça m’servirait d’attendre la retraite pour vivre?

Les papillons virevoltent dans les massifs de fleurs,
Les libellules voltigent à la surface de l’eau.
Et bien écoute-les:
La vie est courte, aime sans te retourner!

Ca rappelle quand même franchement notre bon vieux Lamartine national:

« Aimons donc, aimons donc ! De l’heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! « 

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  1. Anonymous

    Hello. And Bye.

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