J’ai ma deuxième déception en arrivant à la “gare routière” de Karyès. Le bus pour le monastère où je voulais passer ma deuxième nuit est parti depuis longtemps, la faute à la cérémonie de Théophanie à laquelle je suis resté. C’est le plus connu, touristiquement, des monastères de la péninsule, et je n’ai pas de réservation.Je décide de tenter ma chance: je monte dans un minibus pour Dafni, et de là je marche en suivant le rivage, car je n’ai pas de plan. Dans mon sac j’ai un demi-pain, que j’ai acheté en prévision à Salonique et qui tient étonnamment bien la route. A raison de deux heures de marche je compte arriver largement avant le coucher du soleil, où les monastères ferment leurs portes.

Le chemin, qui suit la côte, est une splendeur. Je vois à des milles sur la mer calme, le ciel est d’un azur intense, je serpente en suivant les caps et les criques, au flanc d’une côté toujours abrupte. Je grignote un morceau de pain pour me donner du courage et je marche dans le silence radieux.

Au bout d’une demi-heure, le chemin se sépare du rivage et s’élève en lacets; une heure après, je contourne une pointe et soudain le monastère de Simonopetra surgit: vertigineux, construit sur un éperon rocheux, à mi-chemin entre ciel et mer. Au loin, le toit neigeux du mont Athos.

En contrebas du monastère, une petite marina avec ponton et entrepôt, qui l’alimente en vivres et en convives.

Le cadre, l’audace humaine de construire là, ont quelque chose proche du miracle des Cinq Terres, comme cette vue, en contrebas, du monastère voisin de Grigoriou:

Simonopetra – monastère de Simon Pierre – a brûlé plusieurs fois. Ce sont les Russes qui ont financé sa dernière reconstruction. Il n’a pas de reliques d’intérêt historique particulier; mais le panorama extraordinaire compense largement.

Le monastère s’élève au sommet d’un éperon rocheux qui se sépare du corps de la montagne et s’avance, à pic, vers la mer. La paroi est presque verticale, si bien qu’il y a à peine une rupture entre les sept étages du monastère et la falaise à pic. Quand on marche sur les encorbellement de bois qui permettent de communiquer par l’extérieur, on est au-dessus du vide.

Je m’adresse à l’auberge du monastère, ils ont de la place, heureusement, et j’inscris mon nom sur le registre tandis qu’on m’apporte un verre d’ouzo et des loukoums.

Je m’installe; dîner; office; discussion avec un moine suisse; enfin, avant la fermeture des portes, je pousse une porte et je m’aventure sur les encorbellements de bois qui font le tour de la forteresse.

Les planches craquent sous mes pieds. Quelque part à l’intérieur, le cliquetis des marmites qu’on fourbit. La lumière blafarde d’une ampoule m’éblouit; j’interpose un pilier de bois entre elle et moi, et j’habitue mes yeux à l’obscurité.

Sous mes pieds, loin, le fracas d’un torrent; face à moi, la mer obscure; et vers le ciel, immense et calme, et découpé par le bois des échafaudages, la pureté des étoiles.

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