Après être redescendu du volcan Bisoke – à 3600 mètres, mixture de boue et de racines – je prends un minibus sur la route d’altitude qui relie le parc national des volcans (au Rwanda) à sa contrepartie ougandaise (les volcans marquent la frontière entre le Rwanda, l’Ouganda et le Congo).

Au bout d’une heure cahoteuse et compressée, le minibus s’arrête au milieu de nulle part et tour le monde descend. On me fait signe qu’il faut passer la frontière à pied. Je m’exécute en tirant ma valise.

Je suis saisi d’une impression d’absurdité. Au pied des volcans coiffés de nuages, talonné par le vacarme de ma valise, hêlé muzungu (« hé le Blanc ») dans le crépuscule, dépassé par des vélos au ralenti (ils détaillent cet étrange animal), j’avance vers le portique qui marque la frontière.

Je fais trois fois la queue. D’abord à l’émigration rwandaise, sous l’oeil serein du Président Kagame: je remplis le formulaire de circonstance. Je franchis la frontière. Puis je passe au poste de police ougandais. Enfin rebelote à l’immigration ougandaise.

La nuit est tombée. Je me retrouve seul parmi une nuée de chauffeurs qui veulent m’emmener. Je cherche un minibus (ce qui devrait exister…) mais il n’y en a pas. Finalement je dois prendre un moto-taxi (un « boda-boda« ) pour les 9 kilomètres qui me séparent de Kisoro, la ville-frontière du côté ougandais.

Eh bien quelle introduction aux différences culturelles que ce quart d’heure de moto… Au Rwanda on vous donne toujours un deuxième casque et, parfois, une sorte de bonnet d’infirmier à mettre dessous, pour raisons sanitaires; j’imagine que c’est dans la loi.

Ici c’est un jeune fougueux qui conduit. Pas de casque pour lui ni pour moi. Un employé de bus (auquel j’avais demandé conseil) lui dit d’y aller mollo. Il cale ma valise sur son guidon, je m’accroche et on y va. Au début les ralentisseurs, par salves de cinq, le forcent d’aller doucement. Puis nous quittons le poste frontière et les phares percent à peine la nuit profonde.

Oscillant sur l’asphalte frais au rythme des virages – c’est encore un paysage de collines – éblouis par les phares des véhicules qui surgissent en face sans prévenir, instables lorsque la valise glisse ou que le conducteur se frotte les yeux, il me semble que nos chances d’arriver sans encombre sont fifty-fifty. Sans casque, l’air frais me siffle dans les oreilles et les insectes frappés dans leur vol me giflent comme des petits cailloux.

Le lendemain, compressés à sept passagers dans un taxi brinquebalant, un prêtre anglican me dit: « C’est ça l’Ouganda: au Rwanda ce ne serait jamais permis; ici c’est la liberté. » (Puis il me raconte que ce sont en fait les Tutsis qui ont génocidé les Hutus…)

Eh bien me voici lâché en liberté.

Vous pouvez accéder aux articles contigus de ce carnet:<< Les Virunga: volcans au coeur de l’AfriqueOuganda – les gorilles dans la brume >>

Cette publication a un commentaire

  1. Raph

    Je viens de découvrir ton blog et j’ai lu pas mal de tes articles, ton blog et vraiment génial ça me permet de partir à la découverte des pays sans y avoir encore été ! J’espère pourvoir me rendre un jour dans l’un des pays d’Afrique, j’aimerai commencer par le Togo, enfin, bravo pour ton blog ! 🙂

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