Shiraz séduit, Yazd envoûte, mais Ispahan submerge. J’y reste trois jours sans être lassé.

Il fait dire qu’aux joyaux d’art islamique listés dans tous les bons guides s’ajoute une belle ambiance: places et parcs où les Isfahanis pique-niquent ou font la sieste, cafés ombragés, labyrinthe des bazars, atmosphères des différents quartiers.

Des habitants d'Ispahan

Des Isfahanis on dit qu’ils sont près de leurs sous (les Écossais de l’Iran) et on se moque de leur accent précieux et de leur côté « tradi » (leur accent est lent et haut perché); mais les jeunes qui m’accueillent à dormir sont pleins de chaleur et de modernité…

Tout est interdit mais toutes les interdictions se contournent: aller sur Facebook (via VPN), fumer pour les femmes (récemment interdit…), boire pour tout le monde (donc bières maison…), coucher avant le mariage… Evidemment pas dans tous les milieux: il vaut mieux habiter au Nord de Téhéran, dans les quartiers plus frais et plus riches…

Une Iranienne analyse: « l’Iran a des villes religieuses, comme Mashhad [au Nord-Est de l’Iran, le lieu le plus saint de l’Iran où est enterré l’Imam Reza], des villes traditionnelles comme Yazd (ou plus généralement les villes de taille moyenne); quant à Ispahan, elle est à la fois traditionnelle et religieuse… »

Cela donne lieu à des incongruités comme le mariage temporaire. Un étudiant religieux m’explique en rigolant un peu: « Parfois tu veux voir si ça marche avec une fille avant de l’épouser, et tu fais un mariage temporaire pour voir; tu conviens d’une somme d’argent et tu es marié pour un jour, trois mois, un an… » Ou encore, un de ses collègues, qui a voyagé en Namibie: « Les hommes ont des besoins et Allah veut qu’ils soient satisfaits, ni trop ni trop peu. Les femmes doivent attendre 45 jours avant de refaire un mariage temporaire; pour les hommes il n’y a pas de de règle… » Ca marche aussi quand un Iranien (musulman) épouse une infidèle apes ses études à l’étranger: ils font un mariage temporaire pour 80 ans…

Le soir les Iraniens qui me logent me montrent le summum du glauque: des sites internet, patronés chacun par leur imam, où les femmes proposent des mariages temporaires. Exemple: « jeune femme, 25 ans, 1,70m, 55kg, recherche mariage temporaire d’une heure, sans intercourse, 800,000 tomans (25€), de préférence homme beau, attentionné, ayant le sens de l’humour, qui ne pue pas de la bouche, fort et très hot. Prendre une douche avant, mettre une chemise et se parfumer. Le site précise très sérieusement que « embrasser peut transmettre des maladies » et que « les dix dernières minutes sont pour se rhabiller et se dire au revoir ».

De la ville d'Ispahan

Ispahan est pleine de cafés – là où les jeunes se rencontrent -, même si les barbus militent contre. Ainsi plusieurs cafés au bord de la rivière ont-ils fermé récemment…

Ispahan est pleine de parcs: évidemment le sublime « Imam square » alias Naqsh-e Jahan, c’est-à-dire « figure du monde »: quatre siècles d’histoire, 500 mètres sur 150, cerné par les arcades du bazar et par trois chefs d’oeuvre architecturaux. Dès la tombée du soleil, les Iraniens posent leurs nappes de pique-nique sur l’herbe, les gamins s’éclaboussent dans le basin aux jets d’eau, les jeunes filles s’achètent une glace, les touristes locaux font le tour de la place en calèche. Même scénario dans tous les parcs et sur les rives du fleuve à sec…

Enfin Ispahan concentre sur quelques kilomètres quelques-unes des plus belles réalisations de l’art islamique: mosquées couvertes de jeux de faïence imbriquée – fleurs et calligraphie du Coran -, miniatures persanes couvrant les murs des palais, parfois dix siècles d’architecture qui se superposent, le chemin tortueux du Grand bazar qui réunit la ville ancienne et la ville « nouvelle » planifiée par les Safavides au XVIe siècle… A contempler les variation de couleur sur le dôme caramel de la mosquée Sheikh Lotfallah, à chercher les calligraphies dans le labyrinthe des faïences et à se les faire traduire, à déguster un fereni accroupi dans l’herbe grasse, on sent l’histoire d’Ispahan vibrer encore.

C’est peut-être cette palpitation du passé qui la retient sur elle-même, hésitante face à la modernité.

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