De temple en source chaude: le Kumano Kodo traverse une région rurale totalement préservée dans les forêts japonaises – idéal pour déconnecter et retrouver un rythme de pélerin

Au Sud d’Osaka et de Kyoto, au coeur de la péninsule de Kii, le pèlerinage de Kumano Kodo traverse des collines couvertes de forêts de pins et relie des temples perdus dans la nature.

Le chemin date du XIe siècle, où les empereurs japonais, en trente à quarante jours, marchaient depuis leur capitale à Kyoto jusqu’aux trois grands sanctuaires de la région (Kumano Hayatama, Kumano Nachi Taisha et Kumano Hongu Taisha). Aujourd’hui, si la partie Nord de l’itinéraire a été urbanisée, la péninsule de Kii a été épargnée: petits villes rurales, grandes forêts tranquilles, le tout bien desservi par Japan Railways et par des bus.

C’est l’un des deux chemins de pèlerinages classés au patrimoine mondial de l’Unesco – avec le chemin de Saint Jacques avec qui il est jumelé.

Forêt sur le Kumano Kodo

En quatre jours de marche en mai, nous n’avons rencontré aucun autre randonneur sur 80% de l’itinéraire: c’est seulement aux abords des temples que nous avons croisé des groupes.

Le reste du temps, nous marchions seuls dans les forêts de pins, sur des chemins tortueux jalonnés de ruines de maisons de thé, de temples et de petites divinités de pierre, tantôt par grand soleil, tantôt par pluie ou brume. Le soir nous montions notre tente dans un camping et nous allions nous détendre dans des bains chauds.

Notre itinéraire de randonnée sur le Kumano Kodo

Sept itinéraires, en étoile autour d’un des temples, composent l’actuel pèlerinage du Kumano Kodo (« Grand chemin de Kumano »).

En éliminant ceux qui étaient en bordure de la péninsule (ils n’ont pas l’air très sauvages), deux itinéraires semblaient sortir du lot:

  • Nakahechi: environ 4 jours de marche, départ et arrivée faciles à rejoindre, visite de deux des trois grands temples, informations relativement plus faciles à trouver sur internet;
  • Kohechi: environ 7 jours de marche, départ de l’incroyable Koyasan (la capitale shintoïste du Japon: de magnifiques monastères isolés sur une colline, très calme, sublime, un des plus beaux lieux où je sois allé…), visite de deux des trois grands temples.
Carte du Kumano Kodo
Carte des différents sentiers du Kumano Kodo (source: bureau du tourisme de Tanabe)

Nous avons opté pour l’itinéraire de Nakahechi (en marron sur la carte précédente), qui correspondait au temps (4 jours) que nous avions: environ 65 kilomètres, 4240 mètres de dénivelée positive et 3640 mètres de dénivelée négative.

Même si l’itinéraire ne présente aucune difficulté technique particulière (chemin large, bien balisé), la dénivelée est conséquente (environ mille mètres de dénivelée positive et négative par jour). On peut sans problème diviser la randonnée en un plus grand nombre d’étapes.

Vous pouvez consulter le détail de l’itinéraire sur ce livret très bien fait de l’office du tourisme de Tanabe. Il indique notamment le trajet, les points d’intérêt, les hébergements et la dénivelée.

Carte du Kumano Kodo (chemin Nakahechi)
Carte de l’itinéraire Nakahechi (source: bureau du tourisme de Tanabe)

Notre itinéraire sur cinq jours

Pour chaque journée de randonnée j’ai indiqué dans le titre la distance parcourue à pied, la dénivelée positive, et la dénivelée négative.

Jour 0

Nous atterrissons à Osaka (on peut aussi atterrir à Kyoto, mais Osaka est plus proche et les vols sont souvent moins chers) puis prenons le train pour Kii-Tanabe: c’est une petite ville, assez calme, avec une agréable promenade en bord de mer. Des écolières prennent des poses sur la plage au coucher de soleil. Nuit à l’excellente Buddha Guesthouse.

Jour 1: Takijiri-Oji à Chikatsuyu (13 km, +1060m, -850m)

Le bus nous amène à Takijiri-Oji (horaires ici); c’est là que débute la randonnée du Kumano Kodo. Nous ajustons nos sacs. Toute aventure commence par un portique.

Notre première étape dure 13 kilomètres jusqu’au petit village de Chikatsuyu. On est tout de suite dans la forêt; un chemin de pierre y monte et s’y enfonce. L’air est calme, l’atmosphère est paisible. On entre peu à peu dans le rythme de la marche.

Forêts sur le Kumano Kodo

Nous plantons la tente au camping Iris Park Auto Camping Ground, un peu à l’écart de Chikatsuyu; camping très basique, sans autre prétention que la sympathique « source chaude de la nymphe »: grande baignoire où se délasser des courbatures de la journée, après une douche assis sur un tabouret.

Jour 2: Chikatsuyu au temple de Hongu Taisha (25km, +1230m, -1170m)

La deuxième étape est plus longue (25km). La plupart du temps, le chemin progresse calmement dans les forêts de pins. Parfois une trouée ouvre un panorama sur des collines boisées. Dès qu’il y a un terrain plat: une rizière. On traverse de petits villages, joliment décorés.

En milieu d’après-midi nous arrivons au grand temple de Kumano Hongu Taisha. On retrouve un peu la civilisation: routes, parkings, billetterie. C’est principalement un tourisme local, des Japonais qui viennent en bus.

Dès l’entrée dans l’enceinte du temple, on change d’atmosphère: au milieu de grandes cours en enfilades, l’architecture des temples est magnifique, leur bois ancien, leurs dorures brillantes.

Temple de Kumano Hongu taisha

D’un oeil étranger, beaucoup de beaux détails: une gargouille de fontaine, de grandes boites couvertes d’estampes…

Nous passons la nuit dans un camping près de la superbe source chaude Watase onsen: délassement dans de grands bassins en extérieur.

Wataze onsen
Wataze (ou Wataraze) onsen

Jour 3: Hongu Taisha à Koguchi (13km, +670m, -690m)

Il suffit de s’éloigner un peu et nous sommes de nouveau seuls. Les sacs restent lourds mais nous avons pris le rythme de la marche. Cette étape est plus courte et plus facile que celle de la veille et nous permet de nous reposer un peu.

De temps en temps, au détour d’un chemin, nous passons devant de petites divinités de pierre, parfois couvertes d’un habit, des offrandes à leurs pieds:

Jour 4: Koguchi au temple de Nashi Taisha (14km, +1260m, -930m)

Cette dernière étape vers le grand temple de Kumano Nashi Taisha commence par une loooongue montée, jusqu’au point culminant de la randonnée (col d’Echizen-toge).

Puis nous cheminons dans la brume: la forêt est nimbée d’une atmosphère de mystère.

Le temple de Kumano Nashi Taisha, d’un rouge vif, est dans un cadre naturel exceptionnel: écrin de montagnes et chute d’eau Nachi-no-taki. Nous posons les sacs et passons un bon moment à nous imprégner de la beauté du site.

Petits bouddhas protecteurs (jizô), grands escaliers entre les conifères:

Après un bref trajet en train, nous descendons à Kushimoto, à la pointe Sud de la péninsule; nous dormons dans un hôtel très basique près de la gare (son nom m’échappe): tenu par une vieille dame, pas de salle de bain, mais elle nous donne deux tickets pour les bains publics de Sango juste à côté…

A un quart d’heure de marche dans des rues simples et propres, nous poussons la porte des bains publics: les habits et chaussures dans un casier, nous mettons des tongs, une serviette autour de la taille. Dans une grande salle aux baies vitrées, chacun prend sa douche assis sur un tabouret de plastique.

Puis on entre dans un grand bain chaud carré, de quatre mètres sur quatre: la pièce est silencieuse sauf un éclat d’eau lorsque quelqu’un entre ou sort du bain; personne ne regarde personne; les baies vitrées donnent sur la nature.

Jour 5: péninsule de Kii-Oshima

Pour notre dernière journée, nous louons des vélos (électriques!) pour faire un grand tour de l’île de Kii-Oshima, qui est reliée par un pont au Sud de la péninsule: beaucoup de montées et de descentes; magnifiques panoramas sur la mer, sur les filets des pêcheurs. Par endroits les rochers de la côte sauvage ont un air de Bretagne…

Nous dormons à Kii-Tanabe; le lendemain, nous rentrons à Osaka par le train.

Conseils pratiques

  • Vérifiez avant de partir si un forfait de train régional JR Pass est plus rentable (par exemple ici); ces forfaits doivent être achetés hors du Japon.
  • Pour retirer de l’argent: en arrivant à Tanabe nous avons eu du mal à trouver un distributeur acceptant les cartes bancaires étrangères; je vous recommande d’essayer la Poste (c’est là que nous avons finalement réussi) ou bien les convenience stores (kombini) comme 7-eleven.
  • Prenez des vêtements de pluie.
  • Un guide de conversation japonais basique pourra être utile, car très peu de gens parlent anglais (le petit guide du Lonely planet nous a permis de nous faire comprendre dans des coins assez reculés). La prononciation est simple pour les francophones, et on peut apprendre rapidement quelques formules de politesse et à demander « je voudrais un bol de nouilles » ou « je cherche le terrain de camping ».

Malgré sa beauté, ce n’est pas une randonnée-star, et il y a peu de documentation en ligne; je vous recommande les liens suivants pour préparer votre voyage:

Quelques liens plus précisément sur l’itinéraire Nakahechi:

  • Carte globale et profils de dénivelée ici ;
  • Toutes les cartes ici (en anglais) et notamment l’itinéraire détaillée sur ce livret très bien fait.
  • Horaires de bus ici.

Bilan du Kumano Kodo

Ce que j’ai aimé:

  • L’atmosphère magique des forêts, entre pluie et brume.
  • Le calme, la tranquillité: hormis autour des deux grands temples, nous n’avons presque croisé personne; très peu de routes; même les petites villes donnent du Japon une image plus paisible que les grouillantes Osaka ou Tokyo.
  • Les sources chaudes! (incroyablement agréable après une longue journée de marche)
  • Chemin de randonnée facile d’accès et très bien balisé.
  • Beaucoup d’éléments de belle culture: les deux temples sont admirables, mais on croise aussi souvent de petites statues de dieux, ou dans les villages des sculptures ou décorations faites par les habitants.
  • Faisable à petit budget (les coûts principaux sont les billets d’avion et de train).

Ce que j’ai moins aimé:

  • Un peu monotone à la longue (il faut aimer les forêts de pins!).

En somme, j’ai été très séduit par cette incursion dans un Japon très différent à la fois des mégalopoles modernes et des grandes villes de culture: les abords de la randonnée donnent un voir un Japon rural, simple et accueillant; et une fois sur le Kumano Kodo, en chemin à travers les pins et vers de très beaux temples, il n’est pas difficile de s’imaginer en pèlerins des temps passés…

Forêts sur le Kumano Kodo

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