Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les dragons chinois, sans jamais oser le demander

La Chine est un pays de correspondances, et pas seulement pour les trains.

C’est un dragon jaune, Huanglong, qui émerge de la rivière Luo et, s’inclinant devant Fuxi, empereur mythique, lui remet la connaissance de l’écriture.

En 1774, Qian Long élève dans la Cité interdite une fresque en céramique polychrome où Neuf Dragons se battent pour une perle, entre des nuages pesants et des vagues qui tourbillonnent, devant la Porte de la Tranquilité et de la Sérénité. Au centre, un dragon jaune à cinq griffes, superbe de majesté.

Et tout ça, il paraît que c’est pas du hasard.

dragon de la Cité interdite
Dragon à la Cité interdite

Contrairement aux représentations occidentales, le dragon chinois s’associe à toutes les représentations bénéfiques du monde, et les réunit.

La vie du dragon

Le dragon (« Long », 龙) vit différents âges, toujours fortement liés à l’eau et à l’idée de fertilité, et qui n’ont étrangement rien à voir avec la jeunesse française. 

Son oeuf est couvé pendant mille ans. Les mamans dragon sont plutôt patientes. Quand il se décide enfin à éclore, le dragon naît sous forme de serpent de mer.

Au bout de cinq cents ans, une tête de carpe lui pousse, c’est un symbole de prospérité. Puis c’est l’âge terrible: pour sa puberté apparaissent barbe, pattes, serres et queue, mais il n’émet encore aucun son.

Cinq siècles plus tard, des cornes lui viennent et lui donnent la parole. Faut pas qu’il le prenne personnellement.

Finalement, comme cadeau de majorité, mille ans plus tard, il reçoit une paire d’ailes et peut enfin se tailler.

Dragon symbole universel

Ces métamorphoses sont à mettre en parallèle avec le cycle de vie floral : semence, germe caché, germe apparent, croissance, pollinisation.

Chacune de ces étapes est associée à une représentation particulière, plus une sixième qui les reprend toutes. Le dragon est d’ailleurs souvent représenté avec une perle, qui renforce ce symbole de richesse et de prospérité. Elle évoque la création du monde, recueillie dans ses griffes. Si ça vous rappelle quelque chose, c’est un fruit défendu pour l’homme.

Si vous trouvez une perle de dragon, ne la prenez donc pas, sauf si vous êtes empereur de Chine bien sûr.

Le dragon par les chiffres

Il n’a pas fait de prépa, mais il faut croire qu’il aime les chiffres. Les six âges du dragon découlent du sixième trigramme. 

Le dragon impérial a cinq griffes, comme les cinq éléments (eau, terre, feu, air et métal).

Il est lié également au chiffre neuf, celui de la perfection (neuf se dit « jiu », comme le mot longtemps) bien sûr associé à l’empereur, et qui se retrouve un peu partout: dans le nombre de dragons sur le mur des Neuf Dragons (incroyable, non?), mais aussi dans le nombre des écailles de carpe qui recouvrent son corps: soit 117 (1+1+7=9), dont 81 (9×9) yang et 36 (9×4) yin.

Alcool se dit « jiu » aussi, mais je ne sais pas si cela implique que l’empereur buvait ou que l’alcool fait voir des dragons.

Le caractère du dragon

Les mutations à la chaîne de la vie du dragon se retrouvent dans l’origine mythique du caractère qui le représente, avec légende à la clef. Celle-ci fait intervenir l’empereur Huangdi, ou bien à nouveau l’empereur Fuxi, tous deux grands guerriers.

A chaque victoire remportée, leur blason s’enrichissait de l’animal représentant l’ennemi vaincu. A sa mort, Huangdi fut immortalisé en dragon, dont son blason devint le symbole.

Ainsi le dragon chinois a-t-il le corps d’un serpent, la queue d’un poisson, les bois d’un cerf, les bois d’un cervidé, les yeux d’un démon, des pattes de tigre et deux serres d’aigle. Les graphies antiques du caractère du dragon sont une combinaison simplifiée des représentations de ces différents animaux, peu-à-peu cristallisées dans la schématisation actuelle.

Cette publication a un commentaire

  1. Calvin

    Félicitations pour ce blog, très intéressant. Il y a une anecdote très sympa sur la fresque… Cette fameuse fresque a été abîmée du temps de l’empereur. Si l’on abîmait un dragon, on le payait de sa vie. En l’occurrence, c’est un petit garçon qui a cassé l’un des dragons en jouant à la balle. Un ouvrier ébéniste a alors remplacé la partie manquante du corps du dragon par un morceau de bois (encore visible) et a sauvé l’enfant.

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