Un SMS circule depuis le début de l’Expo universelle de Shanghai; d’un portable l’autre, la Chine se l’échange. C’est une devinette en 14 lignes; vous avez donc 14 chances de deviner de quoi il s’agit.

一个字,累;

两个字,受罪;

三个字,全排队;

四个字,不看后悔;

五个字,看了更后悔;

六个字,排不上的馆美;

七个字,看与不看都后悔;

八个字,上海人请你溜溜腿;

九个字,爱尔兰的啤酒就是贵;

十个字,沙特阿拉伯馆时间太费;

十一个字,中国馆全预约排队进不去;

十二个字,看不到头密密麻麻蠕动的队;

十三个字,插队者在众人的鄙视下很惭愧;

十四个字,如果你恨谁一定要请他去世博会;

十五个字,如果你去了世博会,你可能会后悔;

十六个字,现在不去世博会,你连后悔都没机会。

Voici la traduction:

En un mot: fatigué;

En deux: endurer;

En trois: toujours faire la queue;

En quatre: si on n’y va pas, des regrets;

En cinq: une fois qu’on y est allé, encore plus de regrets;

Vous avez deviné?

En six: les pavillons où la queue est décourageante ont l’air beaux;

En sept: qu’on y aille ou pas, des regrets;

En huit: les Shanghaïais te font marcher;

En neuf: la bière d’Irlande est hors de prix:

En dix: on perd son temps au pavillon d’Arabie Saoudite;

En onze: au pavillon chinois, tous ont réservé, tous font la queue et personne n’entre;

En douze: on ne distingue pas les têtes dans la foule qui grouille;

En treize: les resquilleurs sont honteux devant le mépris général;

En quatorze: si vous haïssez vraiment quelqu’un, conseillez-lui d’aller à l’Expo universelle.

L’Expo universelle, j’en reviens, la chemise encore humide et les patoches en capilotade.

J’entends deux types de commentaires, de la part de ceux qui voient le verre à moitié vide, et ceux qui voient le verre à moitié plein. Enfin, façon de parler: tous voient l’Expo 100% pleine – pas de doute – mais avec un regard différent.

Dans mon oreille droite, les premiers sont les plus nombreux parmi ceux que j’entends. Ils ont d’abord atterri à Pékin, qu’ils ont visité en deux-trois jours, en groupe organisé, puis se sont envolés pour Shanghaï avant de héler un taxi pour l’Expo. Ils ont chaud, soif, leur chemise est moite, la respiration difficile. Ils ne sortent des embouteillages que pour s’engouffrer dans des files d’attente sans fin: la queue pour pénétrer sur le site de l’Expo, puis sempiternellement la queue qui s’allonge devant chaque pavillon en fonction de sa popularité.

Chez d’autres, munis de coupe-file (c’est le cas de la délégation que j’accompagne), quelle est encore la réaction? Comme ils se ressouviennent qu’ils ne peuvent se souvenir des expositions universelles précédentes, ils en nourrissent des attentes considérables pour celle de Shanghai, qui fait un tel ramdam.

Brodant sur le slogan « better city, better life », ils attendent des idées imaginatives et des propositions concrètes pour la ville de demain: modes de déplacement novateurs, espaces d’interaction repensés, qualité de vie et respect de l’environnement.

Mais, riches de ces attentes, ils sont confrontés selon les pavillons, qui à un déballage de solutions technologiques, qui à une collection de clichés à destination du touriste potentiel, qui à la répétition des mêmes idées rebattues sur la « ville durable ». Inventivité? Créativité? Interactivité? Où sont-elles, se disent-ils? Et ils ont raison.

Dans mon oreille gauche, pendant ce temps, on me souffle que cette Expo 2010 est d’abord conçue pour un public chinois: celui-ci se soucie peu des files d’attentes interminables, auxquelles il est habitué, des conditions climatiques, de la foule omniprésente. Qu’attend-il des pavillons? Sans doute l’image d’une ville moderne, comme dans le slogan chinois qui est différent du slogan anglais: 城市让生活更美好 (« la ville rend la vie plus belle »). Il ne s’agit pas d’inventer la ville durable du futur, celle qui répondra aux défis d’intégration économique, sociale et environnementale, mais de montrer comment l’urbanisation sera le futur (proche) de la Chine.

Et cette ville, qui rend plus belle la vie, est comme il se doit un mélange de tradition et de modernité: la tradition, qui vous promet que vos habitudes de vie seront respectées, et la modernité, qui vous fait miroiter un meilleur confort. Et ils ont raison – eux aussi.

Les pavillons l’ont bien compris: ils s’adressent au public chinois. Et de montrer l’Espagne ou la France d’antan – belles images romantiques – ou l’Allemagne de demain – vitrine technologique.

La ville chinoise ne se fera pas en kit pré-monté; elle ne s’élèvera pas de l’imagination d’un planificateur. Le rôle du planificateur chinois n’est pas de dire comment sera la ville de demain – qui peut le prédire? Son rôle est d’élaborer les conditions dans lesquelles l’inventivité, la créativité et l’interactivité se déploieront.

Les pessimistes de mon oreille droite se désoleront de cette pagaille organisée et s’alarmeront d’un échec programmé; tandis que les optimistes de mon oreille gauche, conscients du chemin que la Chine vient de parcourir si vite, attendront pour juger de voir ce que l’autre pôle de la sagesse du monde est capable de faire.

Alors, rions un peu:

Laisser un commentaire