Quatre jours de randonnée d’une beauté époustouflante! Des plissements granitiques des cirques de Gavarnie et d’Estaubé aux panoramas sur les canyons du parc d’Ordesa, des vires vertigineuses à la vue depuis le Mont Perdu, et pour couronner le tout la mythique Brèche de Roland. Un itinéraire sportif (boucle de 63km et presque 5000 mètres de dénivelée) qui va de merveille en merveille!

Une concentration de sites spectaculaires

En 1843, le grand Victor, en voyage dans les Pyrénées pour une cure de repos, surmené mais jamais à court de superlatifs, écrit:

C’est une montagne et une muraille tout à la fois

C’est l’édifice le plus mystérieux des architectes

C’est le colosseum de la nature

C’est Gavarnie.

Outre faire le bonheur ad vitam des guides touristiques sur le cirque de Gavarnie, il faut reconnaître que ces mots essaient de faire justice à un site hors du commun: des falaises d’un kilomètre de haut, froissées par les plissements tectoniques, qui encadrent un cirque gigantesque.

Sur le versant français, le cirque de Gavarnie n’est pas la seule curiosité géologique monumentale: les cirques voisins (Estaubé, Troumouse) et la mythique Brèche de Roland – une trouée dans la ligne de crête que Roland aurait formée en y brisant son épée.

Le versant espagnol est très différent et tout aussi sublime. Pêle-mêle, on y rencontre: le Mont Perdu et son panorama à 360 degrés, des canyons qui rappellent les grands parcs américains, et des « vires »: des chemins naturels en corniche, nichés à mi-hauteur dans des falaises verticales, souvent assez larges pour constituer un sentier muletier.

Conseils pratiques

Inspiration

Nous avons surtout utilisé la carte (ici par exemple) en conjonction avec un guide topo (je ne me souviens plus lequel). Cette carte a été extrêmement utile car elle indique la difficulté technique des sentiers; elle nous a permis d’élaborer un itinéraire physiquement sportif mais sans difficulté technique majeure (en évitant les couloirs ou passages d’escalade). A noter que nous avons randonné en fin de saison (octobre) et par temps sec.

Vous pourrez aussi trouver de l’inspiration ici ou .

Accès

Nous n’avons pas été très écolos pour ce weekend: nous avons pris un avion pour Pau très tôt le jeudi matin puis roulé 1h30 en voiture pour rejoindre la zone de Gavarnie (avec un arrêt au supermarché en chemin pour faire les courses). Nous avons fait le trajet inverse le dimanche en fin d’après-midi.

L’accès en transports en commun depuis Paris semble possible en prenant le train de nuit Paris-Lourdes (départ entre 21h et 22h, arrivée à 7h43), puis le bus 965 pour Gavarnie (lien pour les horaires estivaux). Faites bien attention en cherchant les derniers horaires de bus, car il semble y avoir plusieurs itinéraires pour la ligne 965 et les sites ne sont pas très intuitifs.

Où dormir autour du Mont Perdu

Il y a très peu de refuges en altitude dans la zone, et le bivouac est généralement interdit; donc où dormir est un facteur limitant! Plusieurs solutions: on peut soit redescendre à plusieurs reprises dans les vallées (ce que font la plupart des itinéraires que j’ai vus en ligne), soit faire des étapes un peu longues (c’est ce que nous avons fait).

En termes de refuges c’est assez vite vu, étant donné que notre idée était de faire le tour du Mont Perdu en 4 nuits et 3 jours (ainsi que son ascension si la météo le permettait).

  • Du côté espagnol, seul le refuge de Goritz permet de rester en altitude et de monter directement au sommet du Mont Perdu (nous y avons passé les nuits n°2 et n°3, avec l’ascension entre les deux). Le refuge était plein à craquer et très bruyant, mais il est idéalement placé. Il est aussi possible de bivouaquer juste à côté (voir plus bas). Réservez vos nuitées bien à l’avance (pour le refuge comme pour le bivouac). Par ailleurs, vu la fermeture temporaire indiquée sur leur site du 22 avril au 12 juillet 2024, vérifiez bien l’ouverture du refuge aux dates qui vous intéressent (profitez-en pour réserver par la même occasion!). On peut s’y ravitailler en eau.
  • Pour la nuit n°1, nous avons hésité entre le refuge des Espuguettes (un peu au-dessus du côté Est de Gavarnie) et celui de Turquerouye (à l’Est de Gavarnie à la frontière franco-espagnole), et avons opté pour le premier en raison de la difficulté du couloir d’accès à Turquerouye. Une micro-source nous a permis de nous ravitailler en eau (avec purification). Il y a aussi le refuge des Sarradets (en-dessous de la Brèche de Roland) mais il était en réfection lors de notre passage (et y dormir aurait déséquilibré les étapes).

Pour l’option bivouac, côté français il est autorisé dans toute la zone à plus d’une heure de marche d’un accès routier (comme dans la plupart du Parc national des Pyrénées).

Côté espagnol, le bivouac n’élargit pas trop les options, car il est globalement interdit dans tout le parc naturel d’Ordesa, à quelques exceptions non loin de certains refuges (si j’ai bien compris – sources ici et en espagnol):

  • Autour du refuge de Goritz en réservant;
  • Dans la zone du balcon de Pineta (au-dessus de 2550 mètres d’altitude): c’est proche de la frontière franco-espagnole, côté espagnol, un peu à l’Est du refuge de Turquerouye et du lac du Mordoré;
  • Autour du refuge de Fuen Blanca (au-dessus de 1650 mètres d’altitude): c’est en-dessous de la vire des Fleurs;
  • Dans une autre zone que je n’ai pas réussi à localiser: « secteur Escuain au-dessus de 1800 m (La Ralla) ».

Longueur et difficulté des étapes

Nous avons fait cette randonnée en octobre et par temps sec, ensoleillé, et sans neige; en cas d’enneigement et de pluie, renseignez-vous bien pour vérifier si l’itinéraire est praticable. Des crampons et piolets sont nécessaires en début de saison pour plusieurs passages (par exemple l’ascension du Mont Perdu), et certaines vires (qui incluent des dalles ou qui sont traversées par des cascades) sont dangereuses après la pluie (par exemple la Faja de las Olas).

Comme indiqué plus haut, aidez-vous bien de la carte pour planifier un itinéraire avec le bon niveau de difficulté.

Les étapes 2 (refuge des Espuguettes – refuge de Goritz) et 4 (refuge de Goritz – vire des Fleurs – col des Tentes) de cet itinéraire sont assez musclées. Si elles vous paraissent trop longues, vous pouvez couper en deux la première (en descendant dans la vallée et en dormant au refuge de Pineta) et remplacer la seconde par un itinéraire Goritz – brèche de Roland – col des Tentes.

Eau

Assez peu d’eau sur l’itinéraire (en octobre); nous avons fait le plein aux endroits suivants:

  • Soir du jour 1: Refuge des Espuguettes (débit très faible);
  • Midi du jour 2: en traversant le Rio Cinca côté espagnol;
  • Soir du jour 2, jour 3, et matin du jour 4: refuge de Goritz.

Itinéraire: le tour du Mont Perdu en 4 jours

Trajet général autour du Mont Perdu

L’idée de notre itinéraire était de faire le tour du Mont Perdu en quatre jours (et d’y monter!) dans le sens des aiguilles d’une montre en partant côté français, et en passant par les plus beaux endroits tout en évitant les passages trop techniques relevant de l’escalade.

Comme dit plus haut, le choix des refuges était assez contraint (Espuguettes, Goritz, Goritz); nous avons fixé le point de départ pour équilibrer les étapes, et garé la voiture au col des Tentes (côté français, proche de la frontière à l’Ouest de Gavarnie).

Cela donne donc le trajet suivant:

  • Jour 1 (12km, +900m, -1050m): du col des Tentes au refuge des Espuguettes en passant par le refuge des Sarradets et par Gavarnie;
  • Jour 2 (22km, +1800m, -1600m): du refuge des Espuguettes au refuge de Goritz en passant par le col Port Noir de Pinède et la Faja de la Olas;
  • Jour 3 (9km, +1100m, -1100m + balades): ascension du Mont Perdu (aller-retour) et balade bonus;
  • Jour 4 (20km, +1050m, -1050m): du refuge de Goritz au col des Tentes en passant par la vire des Fleurs et la vire Escuzana.

L’ensemble de la randonnée fait donc 63 kilomètres et 4850 mètres de dénivelée positive et négative (+ la balade du 3e jour, dont j’ai oublié l’itinéraire).

Voici une carte de l’itinéraire (accessible aussi ici). J’ai indiqué chaque jour d’une couleur différente (rouge, vert, bleu, jaune). Le départ est au parking du Col des Tentes (début du « rouge », fin du « jaune »).

Elle peut être écourtée d’un jour si la météo ne permet pas de monter au Mont Perdu (neige ou brouillard). Elle peut être rallongée soit en divisant le 2e jour, soit en passant un peu plus de temps vers la Brèche de Roland (nuit au refuge des Sarradets et montée à la Brèche et depuis là au Taillon).

L’étape 2 peut être divisée en deux (voir plus bas) et l’étape 4 peut être raccourcie en ne passant pas par les vires (voir aussi plus bas).

Chaque kilomètre est à couper le souffle.

Jour 1: du col des Tentes au refuge des Espuguettes

Deux options pour cette journée!

Après avoir garé la voiture au parking du col des Tentes, les deux options commencent par une petite marche jusqu’au col de Bujaruelo (sur une route condamnée), puis elles diffèrent sur l’itinéraire jusqu’à Gavarnie:

  • L’option plus intense (12km, +900m, -1050m au total) monte au refuge des Sarradets. Depuis le refuge, vous pouvez éventuellement faire un aller-retour à la Brèche de Roland (1,6km, +200m, -200). Puis, redescente dans le cirque de Gavarnie jusqu’à l’hôtel du Cirque. C’est l’itinéraire que nous avons emprunté, et la vue sur la Brèche vaut totalement l’effort additionnel!
  • L’option plus tranquille (12km, +650m, -850m au total) descend directement jusqu’à Gavarnie.

Ensuite les deux options montent jusqu’au refuge des Espuguettes. Nous avons dormi dans le refuge mais il y a aussi une aire de bivouac. Nous avons pu refaire nos réserves d’eau à une petite source (le débit était très limité en fin de saison).

Jour 2: du refuge des Espuguettes au refuge de Goritz

C’est une grosse étape (22km, +1800m, -1600m), mais d’une beauté spectaculaire. Vous pouvez la diviser en deux avec une nuit au refuge de Pineta (soit 15km/+750m/-1500m puis 13km/+1500m/-500m), mais cela implique de redescendre dans la vallée côté espagnol.

L’étape commence par des vues grandioses sur le cirque d’Estaubé, puis monte doucement jusqu’au col du Port Noir de Pinède pour passer du côté espagnol. Le passage de la frontière peut aussi se faire au col de Tuquerouye (qui dispose d’un refuge) mais il y a un couloir difficile pour y accéder (je ne me sentais pas de le faire).

On débouche ensuite sur l’immense canyon de Pineta, qu’on longe sur son versant droit pour ne pas perdre trop d’altitude.

Il faut ensuite faire une bonne petite montée de 800 mètres jusqu’au col d’Anisclo en direction du Mont Perdu – avec la fatigue de la veille nous avons bien morflé! – mais elle permet d’accéder à la première vire de cette randonnée, la Faja de la Olas: un passage à flanc de falaise, invisible d’en bas, mais relativement simple (empruntable par un animal de bât). Les panoramas sur différents canyons (Anisclo?) sont phénoménaux: on se croirait dans l’Ouest américain. Les bouquetins en profitent aussi.

Nuit au refuge de Goritz: des dizaines de randonneurs, des dortoirs à trois niveaux – le contraste est fort avec le calme refuge des Espuguettes.

Jour 3: ascension du Mont Perdu et balade dans le coin

La météo est avec nous (au moins la matinée!) et on se lance dans l’ascension du Mont Perdu, en aller-retour depuis le refuge de Goritz (9km, +1100m, -1100m).

La dernière partie de la montée est assez rude: à flanc de pente dans une sorte de grand éboulis. On glisse un peu mais ça monte efficacement! D’en haut la vue est superbe dans toutes les directions.

On complète la journée par une balade dans le coin mais j’ai oublié où exactement…

Jour 4: du refuge de Goritz au col des Tentes par la vire des Fleurs et la vire Escuzana

Une nouvelle étape assez solide (20km, +1050m, -1050m) avec les plus belles vires du secteur!

La journée commence par du plat / descente tranquille sur le chemin de la Brèche de Roland jusqu’au col du Descargador près de la plaine de Millaris, avec de superbes points de vue sur les canyons. Quelques chamois et une lumière très pure!

C’est aussi la fête des vues en contre-plongée sur la Brèche de Roland, avec en contrebas la plaine de Millaris…

Puis nous rejoignons la vire des Fleurs: 3-4 kilomètres de pur bonheur.

On chemine dans un décrochement à mi-falaise. Aucune difficulté technique. On peut pleinement profiter du spectacle: à gauche, des centaines de mètre de précipice et des canyons à pic; à droite, la falaise au-dessus de nos têtes; et parfois des vues sur la vire elle-même lorsque la falaise se replie.

Puis on enchaîne sur la vire d’Escuzana: un peu moins sublime peut-être, mais on garde le souffle coupé.

Après une petite montée jusqu’au col de Bujaruelo, on rejoint le col des Tentes et c’est la fin de cette rando.

Juste à temps pour rejoindre l’aéroport de Pau, rendre la voiture de location, monter dans l’avion, et piquer un somme!

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