Comment j’ai décidé de partir randonner six jours dans les îles Lofoten à petit budget, et les paysages incroyables: arrivée en ferry, premiers kilomètres au bord de l’eau, villages de pêcheurs aux petites maisons rouges, falaises à pic…

En juillet 2017 je posais le pied pour une semaine de randonnée en autonomie aux îles Lofoten, en Norvège juste au Nord du cercle polaire.

J’avais lu que c’est l’un des plus beaux endroits du monde et, à en croire les récits et les photographies, le plus bel endroit de Norvège avec la région des fjords. Mais je n’ai pas encore hérité d’une tante américaine, et je n’étais pas prêt à payer 15 euros mon Big Mac.

Et soudain cet été j’ai lu quelques articles, pour qui la meilleure manière de vivre l’expérience des Lofoten, c’était sous la tente: notamment grâce à l’allemannsretten, le droit de tout homme à profiter de la nature, et donc à camper où il le souhaite (tant que c’est à distance des habitations et qu’il ne laisse pas de trace).

Ils parlaient aussi des paysages sidérants, du soleil de minuit, de l’ivresse de la montagne, de l’air de la mer, et de la solitude des grands espaces.

Ca m’a convaincu.

Mon itinéraire aux Lofoten

Jour 0: Vols Paris-Bodø

Jour 1: Ferry Bodø – Moskenes, puis bus Moskenes – Napp et début de la randonnée: Napp – Nusfjord

Jour 2: Nusfjord – Fredvang – Sommet de Ryken

Jour 3: Ryken – plage de la Kvalvika (baleine) – Kirkefjorden – ferry pour Fordfjorden – montée au « point 413 »

Jour 4: « Point 413 » – sommet de Hermannsdalstinden – « Point 413 » – campement de Munkebu – sommet de Munken – Munkebu

Jour 5: Munkebu – Sorvagen – lac de A – aller-retour au sommet de l’Anstabben

Jour 6: balade autour du lac de Agvatnet (près de A), balade dans A et marche jusqu’au camping de Moskenes

Jour 7: ferry Moskenes-Bodø et vols Bodø-Paris

Planifier son itinéraire aux Lofoten

Pour la planification de mon voyage, j’ai beaucoup utilisé le génial site Rando Lofoten, ainsi que le livre Randonner aux Îles Lofoten (par D. Souyris et M. Brede). Les deux donnent des conseils très utiles, et sont suffisants pour tout organiser. J’avais aussi une carte (de type IGN), mais elle m’a peu servi.

Il y a plus ou moins un itinéraire naturel d’Est en Ouest pour traverser les Lofoten, avec plein de petits détours possibles. La plus belle partie semble être à l’Ouest entre Leknes et A, et se fait en une petite semaine (je l’ai fait en six jours pleins avec des détours).

Cette semaine de randonnée sur les îles Lofoten m’a coûté 570€ d’avion (billet acheté deux semaines avant…) et 300€ d’autres dépenses. Ca ne m’a finalement pas ruiné…

Jour 0: de Paris au cercle polaire

Je suis parti de Charles de Gaulle un vendredi matin fin juillet; escale à Amsterdam puis à Trondheim; puis encore deux sauts de puce dans un coucou de quarante places, en rasant les montagnes, pour atterrir à Bodø (« Bodeu »). Malgré la fatigue, sublime vue sur les sommets enneigés et les petits lacs…

Ma seule nuit en dur était à Bodø. Je marche de l’aéroport au petit centre-ville. Il est 20h mais on se croirait en plein jour. J’ai réservé au « Bodø Hostel and Motel », tout près du terminal de ferries. C’est une auberge de jeunesse basique, à prix norvégiens: 50 euros la nuit en dortoir. Je mets un peu de temps à la trouver car elle est plus ou moins dans la petite gare locale, et que mes neurones sont ralentis.

Je mange une sorte de sandwich à prix d’or avant que ça ne ferme, et je déballe mes affaires dans la nuit. Je repère les horaires du ferry Bodø-Moskenes. Puis je pars au supermarché du coin acheter du gaz et des bouteilles d’eau. J’en ai pour 25 euros (!!).

Je me balade dans port. L’air est pur. L’atmosphère est calme. Je me remets du vol.

Jour 1: ferry, bus, et première rando sur la côte rocheuse (Napp-Nusfjord)

Je me suis levé de bonne heure pour le ferry. Je dois attendre que les voitures aient embarquées avant de monter à bord. En termes de signalisation routière, le ferry est indiqué comme le serait chez nous n’importe quelle route nationale, avec son numéro et tout. C’est un précurseur de la voiture autonome…

Je pose mes affaires à bord, et je passe les trois heures de traversée sur le pont. Grand soleil, bon vent, froid mordant. Le ferry longe un peu la côte, puis prend la mer.

Puis un trait noir à l’horizon se met à prendre de l’épaisseur. Il devient irrégulier, comme un crayon mal tenu.

Comme un signe avant coureur, on laisse sur la gauche deux petites îles, comme des forteresses en sentinelle au milieu de l’océan.

Et soudain, alors que le ferry arrive près de son débarcadère à Moskenes, on est au pied d’une longue chaîne de montagnes. De loin c’est un charmant petit village aux maisons blanches ou colorées. Mais le regard est surtout pris par ces montagnes déchiquetées.

Sitôt le pied posé au débarcadère des îles Lofoten, je prends le bus vers l’Est en direction de Leknes (la « grande ville » de l’archipel »), jusqu’au village de Napp. Je me suis donc prévu « environ » six jours de marche, toujours vers l’Ouest, avec des possibilités de variantes pour ajuster en fonction du temps disponible et des paysages.

Ma première journée de marche se révèle un peu longue (dur de redémarrer, après 3h de ferry et 1h de bus…). C’est une sorte de côte rocheuse bretonne très agréable – un peu plus montagneuse quand même – qu’on longe sans difficulté.

Je ne croise pas grand monde. De temps en temps, une petite maison rouge ou un troupeau. Je respire l’air pur à pleins poumons.

J’arrive fourbu à Nusfjord vers l’heure du dîner. C’est un charmant petit village de maisons de pêcheur rouges sur pilotis. Des petites familles les louent pour leurs vacances (on est hors saison de pêche). Le cadre est plus que paisible; le village se traverse en deux minutes. Je fais le plein d’eau à un ruisseau et je m’éloigne un peu pour me trouver un endroit de bivouac.

Je trouve le lieu parfait à cinq minutes du village: sur une petite pointe face à la mer, avec une herbe moelleuse, et quelques rochers pour m’abriter du vent.

La vue est sublime. Je laisse tomber mon (lourd…) sac à dos et je contemple. La lumière du soir est douce, les rayons inclinés. Je me couvre face au vent frais. Je sautille d’un rocher à l’autre avant de me mettre au travail: monter la tente et couper du saucisson.

Je bénis cette règle de l’allemannsretten aux Lofoten: je suis mille fois mieux ici que dans le petit village. Dans ces espaces immenses c’est merveilleux.

Avec le vent je gratte pas mal d’allumettes pour me faire chauffer une soupe de pâtes… C’est délicieux après cette journée. D’autres randonneurs arrivent plus tard, jusqu’à onze heures du soir, et vont camper plus loin. Je me glisse dans mon sac de couchage, mon masque de sommeil sur les yeux, à l’abri de tout, n’entendant que le bruit des vagues.

Jour 2: Nusfjord-Nesland-Fredvarg-Ryken: beaucoup de kilomètres pour un panorama sublime

Je commence de bon matin ma deuxième journée aux Lofoten, frais et dispo, avec un bon thé et du granola. Puis je remballe; mon sac est encore bien lourd… J’ai deux bonnes heures de randonnée pour marcher de Nusfjord à Nesland, un chemin traditionnellement emprunté par les pêcheurs. C’est un peu comme la veille: une Bretagne ensoleillée. Je ne suis pas trop dépaysé!

Nesland est lui aussi un joli petit village, mais je ne m’y arrête pas longtemps. Je longe ensuite le fjord pendant d’interminables kilomètres sur asphalte (sans doute deux heures); je n’ai pas l’impression d’avancer…

Enfin vers l’heure du déjeuner je rejoins la grand route (celle qui m’avait mené à Napp en bus). Mon étape devait s’arrêter là, mais je reste sur ma faim. Je décide donc de continuer. Je travers le pont qui mène au village de Fredvang.

Et là commencent deux heures de rando magnifiques. Je commence à avoir les jambes fatiguées donc je ne vais pas bien vite, et les promeneurs du dimanche me doublent facilement. Mais eux devront redescendre alors que je compte bien dormir là haut.

Je ne suis pas totalement rassuré, car pour bivouaquer il me faudra de l’eau. J’ai repéré un lac sur la carte, mais je n’ai aucune idée de la tête qu’il aura…

Quand j’en ai enfin fini avec la montée, bien en sueur, j’arrive à un petit refuge. Je redescends dans la direction où doit être le lac. Le sol est spongieux. Mais quand je l’aperçois le lac est parfait. Peu profond, eau claire. J’en fais le tour et je pose mes affaires sur une zone bien plate et sèche (la seule, à vrai dire…).

Le lac est au pied du mont Ryken, et les promeneurs passent à une cinquantaine de mètres de moi en chemin du sommet. Je monte ma tente tranquillement pour que ce soit fait. Rien ne presse de toute façon: pas de coucher de soleil, pas de nuit…

Je bavarde avec des promeneurs néerlandais qui n’ont plus d’eau. Puis une joggeuse arrive au pas de course, se met en maillot, se plonge dans l’eau glacée, en ressort deux minutes plus tard, se rhabille et repart en petites foulées. Pendant ce temps je me détends, je bois, je mange des fruits secs.

Quand je suis de nouveau d’attaque, je monte au sommet du Ryken. Cela me prend 30 minutes. Le panorama est incroyable. Le lac au premier plan, c’est là qu’est ma tente. On la voit en zoomant bien la photo. Les montagnes au loin, ce sont celles dont j’ai fait le tour par l’arrière hier et ce matin.

En se tournant, on a une vue plongeante sur la plage de la Kvalvika (baleine), où je redescendrai demain matin. On devine, minuscules, les tentes de ceux qui y bivouaquent.

Vers le large, un deuxième sommet (le Fuglhuken).

Les falaises tombent de plus de 500 mètres dans l’océan. La perspective est vertigineuse. Le soleil reste chaud et la fatigue est agréable. J’y reste longuement, jusqu’à ce que tous soient redescendus.

Vous pouvez accéder aux articles contigus de ce carnet:Rando dans les îles Lofoten (2): entre ciel et mer >>

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