Récit du coeur de ma randonnée dans les îles Lofoten: les vertigineux sommets du Ryken et du Hermanndalstinden, la paisible zone de Munkebu, des plages désertes et des lacs cristallins

Mon aventure aux Lofoten commence véritablement le 3e jour. Les deux premiers jours, je me suis mis en jambes: j’ai marché pas mal de kilomètres, respiré quelques hectolitres de grand air pur, et bivouaqué au milieu de nulle part. La vue du sommet du Ryken était magnifique, mais c’est lors de ce 3e jour que les paysages des Lofoten deviennent uniformément incroyables.

Jour 3: plages, cols, ferry et centrale électrique

Je me lève tôt, le soleil m’a évidemment précédé; je suis seul autour de ce petit lac au pied du sommet du Ryken où je suis monté la veille. Je fais chauffer mon thé en repliant la tente.

Je me dépêche: une portion de trajet se fait en ferry (entre Kirkefjorden et la centrale électrique de Fordsfjorden), et il ne passe qu’une fois par jour en milieu d’après-midi: comme j’ai pris de l’avance sur les étapes « officielles » en montant jusqu’ici, je pourrais sans difficulté arriver à l’embarcadère en fin d’après-midi, mais alors j’aurais à patienter la journée sur place. J’ai décidé de marcher vite afin de gagner une journée… Ca peut fonctionner mais ce n’est pas acquis!

Itinéraire des jours 3 et 4

La journée commence par une descente vers la plage de la Kvalvika (la baleine). Elle baigne en partie dans l’ombre. C’est un lieu de bivouac prisé de ceux qui n’aiment pas trop la solitude. Certains se sont levés et prennent leur petit-déjeuner, d’autres sommeillent encore. Les tentes peignent les abords de la plage de taches fluo.

Je ne m’attarde pas, et je longe cette longue plage de sable clair. Derrière moi, la vue sur les falaises du Ryken, en haut desquelles j’étais hier soir, est à couper le souffle.

Puis j’enchaîne plusieurs cols et vallées. Je me mets à douter de la pertinence de mon choix d’aller vite: les paysages sont très beaux mais j’en profite moins.

En arrivant à un charmant lac qui paraissait facile d’accès, le chemin devient à moitié fangeux. Bientôt, il se dissout dans la lande. Je dois contourner le lac au jugé, à travers les bruyères et les arbustes, en me repérant de temps à autres à d’éparses marques rouges. Je fais sans cesse demi-tour dès que je m’enfonce trop.

Lorsque j’ai enfin contourné ce lac – charmant par ailleurs – la montée reprend. J’enchaîne à nouveau cols et vallées, plutôt en montant. Je mange un déjeuner rapide face à un petit fjord et je reprends vite ma route.

La vue sur la plage de Horseid, en contrebas d’un col, est particulièrement belle.

Je franchis le dernier col un peu épuisé par cette marche rapide. En bas, je vois le petit village où est l’embarcadère. Le ferry passe dans 45 minutes.

Je descends la bruyère en courant. Le chemin disparaît vite mais la pente se descend facilement: c’est une mousse épaisse qui amortit les pas, et qui alterne avec de gros blocs de granit.

En arrivant à 100 mètres du village, je rencontre des ruisseaux et de petits étangs; je passe un peu de temps à les contourner.

J’arrive juste à l’heure sur le ponton: à 5 minutes près… Heureusement, le ferry est moins ponctuel que moi! Une vingtaine de randonneurs attend déjà. Je laisse tomber mon lourd sac, je me masse les épaules et les pieds, je mange des fruits secs.

Le ferry est bondé de touristes qui l’empruntent pour voir les fjords d’en bas. Les randonneurs se casent dessus avec leurs gros sacs. La vue, comme il s’éloigne de Kirkefjord et se dirige vers le Reinfjord (le principal fjord de la zone), remet les maisonnettes colorées à leur juste place au pied des géants montagneux.

30 minutes de traversée nous déposent, un couple de randonneurs et moi, à la centrale électrique de Fordsfjorden (attention: l’arrêt n’est desservi que dans ce sens, impossible de prendre le ferry en sens inverse). J’ai hâte de me poser près de la tente.

Je me croyais presque arrivé. Mais je suis au pied d’une montée abrupte. Effectivement, l’endroit où je compte dormir, le « point 413 », doit être à 413 mètres d’altitude, et je dois donc monter tout cela. Je vérifie sur ma carte, mais j’ai bien 400 mètres de montée bien raide.

Le chemin n’est pas facile à trouver, et je me trompe plusieurs fois. Le couple de randonneurs fait une pause près de l’eau. Je trouve enfin les marques et je monte lentement.

L’ascension m’a l’air de ne jamais finir. Un premier col atteint – qui ouvre la vue sur un lac gigantesque – il faut continuer vers un deuxième col.

Je parviens enfin sur une plateforme, légèrement bombée, avec quelques emplacements de camping.

La vue est hallucinante, mais je ne m’arrête pas et je cherche plutôt le bon endroit où poser ma tente pour la nuit. Je choisis un bel emplacement mousseux près d’une plaque rocheuse, avec vue à 360 degrés. Je pose mes affaires.

Je cours ensuite à mon deuxième souci: j’ai repéré un minuscule lac sur ma carte, mais si l’eau est saumâtre ou boueuses je devrai descendre beaucoup plus loin pour m’approvisionner. La transparence n’est pas parfaite, mais je me dis que cela ira, et je fais le plein en ajoutant quelques pastilles de Micropur.

Je peux enfin admirer le panorama. Ci-dessous la vue sur là d’où je viens (je mets deux photos, car en l’espace de quelques minutes les couleurs étaient très différentes..). Le ferry m’a amené de la partie lointaine du fjord (vers l’espèce de dent) à celle, plus proche, cachée par la plateforme.

C’est infiniment paisible. Les couleurs changent doucement à mesure que le soleil du soir devient plus doux. Je bois, je mange des fruits secs, mon corps se détend.

Jour 4: deux sommets autour de Munkebu: le Hermannsdalstinden et le Munken

C’est sans hésiter la plus belle journée de cette randonnée aux îles Lofoten.

Le matin, je fais un aller-retour au point culminant, le Hermannsdalstinden. Puis je passe de l’autre côté de la zone (au refuge de Munkebu proprement dit) où je dépose mon sac, et je fais un aller-retour au sommet du Munken (qui donne son nom à la zone).

J’avais un peu peur avant d’entamer la montée, car mon guide la classait comme dangereuse. Par beau temps, il n’en est rien, et il n’y a pas de difficulté particulière (hormis une dénivelée assez raide).

La vue du sommet est fabuleuse. Elle est totalement dégagée, à 360 degrés. A l’Ouest, on voit la fin de l’enfilade des Lofoten, qui se jette dans la mer. Au Sud, Munkebu et ses deux lacs – je bivouaque entre les deux. A l’Est, une débandade de pics, de chaînes, de montagnes dentelées, avec entre elles parfois l’éclair d’un fjord.

En commençant par le Sud: on surplombe tout le trajet parcouru: la côte bien pentue depuis la centrale électrique, montée hier soir avec les pattes lourdes; l’incroyable bivouac au « point 413 », petite éminence entre deux grands lacs; puis en contournant par la droite le lac de gauche, le refuge de Munkebu, où je dormirai ce soir; le sommet du Munken, une heure de montée au-dessus de Munkebu; et enfin le trajet pour demain, en redescente vers Moskenes.

Zone de Munkebu depuis le Hermanndalstinden

La vue la plus splendide est vers l’Est: ce n’est qu’un enchevêtrement de sommets: l’œil reconstruit les chaînes de montagnes et imagine, entre elles, des fjords bleus. Une masse nuageuse se presse au Nord (sur la gauche) mais ne franchit pas les crêtes.

Je ne suis pas seul au sommet; un autre promeneur, immobile, profite du spectacle.

Entre ces deux panoramas, donc au Sud-Est, vue plongeante sur le Reinefjord (par où je suis arrivé la veille en ferry).

Du côté Ouest, c’est en contrejour, donc les photos rendent moins bien la vue éblouissante. Dans le coin en bas à gauche de la photo, on devine le « lac de droite ». Puis c’est l’enfilade finale des Lofoten, qui bloque l’avancée des nuages, et se jette dans l’océan.

En me contorsionnant sur les rochers, je prends un dernier panorama (Sud et Ouest), avec les deux lacs et la fin lointaine des Lofoten.

Je reste une heure ou deux là-haut, dans le calme de la contemplation; de temps à autre je change d’éminence pour varier les perspectives. Léger vent, soleil doux, tout est parfait.

Je redescends en fin de matinée au « point 413 » pour reprendre mon sac. Aujourd’hui je n’ai pas longtemps à marcher avec sac à dos; j’en suis fort aise. Je dois juste traverser la zone jusqu’au refuge de Munkebu.

Je descends rapidement entre les deux lacs. J’ai un petit creux et je n’ai pas fait de lessive depuis un moment. Je lave mes caleçons et chaussettes à l’eau claire (et glaciale!), puis je les étends à sécher sur le granit, pendant que je mange un morceau.

Petite montée, petite descente, puis bonne montée: j’arrive en milieu d’après-midi au refuge de Munkebu.

C’est tout-à-fait idyllique et charmant. Deux petites maisonnettes rouges pour ceux qui veulent du confort. Les autres posent leur tente dans la zone. On peut se recharger en eau dans un petit ruisseau, et même se laver dans une cascade qui n’a pas l’air très chaude…

Je me trouve un bel endroit un peu à l’écart, face au lac, et j’y laisse mon sac.

Je prends avec moi une bouteille d’eau et des fruits secs, et ni une ni deux je monte au sommet local, le Munken. Ca tire bien sur les jambes, mais en une heure j’y suis.

Panorama sublime sur le Reinefjord, sous la lumière rasante du début de soirée.

Mais à peine arrivé, je vois deux zozos qui sortent un drone. Ils font leur boucan pendant une demi-heure; quand la batterie tombe à plat, ils redescendent et le calme revient.

Je redescends à Munkebu. Je me sens courageux, et je vais me « doucher » à la cascade glaciale. Après immersion, l’eau est soutenable une ou deux minutes: assez pour me laver. J’enfile des habits chauds et propres, et je me préparer à dîner.

Détendu, affamé, réchauffé: comme toujours, une soupe de nouille vaut son Pierre Hermé.

Vous pouvez accéder aux articles contigus de ce carnet:<< Rando dans les îles Lofoten en Norvège (1): de la Bretagne aux AlpesRando dans les îles Lofoten (3): des cimes, des lacs, des cabanes rouges et l’océan >>

Cet article a 5 commentaires

  1. Dépaysant et magnifique ! J’espère découvrir ces îles un jour et sous la neige !

    1. Aurélien

      Bonjour Charlène,
      C’était déjà sublime sous le soleil; l’atmosphère hivernale doit être d’un autre monde!
      Aurélien

  2. blandine

    haha genial ! j’ai fait la meme mais dans l’autre sens et en 2 fois hihih
    magnifique !
    si tu veux voir mes photos c’est sur mon blog

    1. Aurélien

      Merci Blandine! J’ai effectivement été un peu téméraire…
      Très belles photos sur ton blog! On ressent bien l’humidité 🙂
      Aurélien

  3. Marina

    Bonjour Aurélien,
    Je pars pour les Lofoten du 5 au 14 octobre prochain et souhaite faire un parcours rando similaire au tien (7 jours complet de rando). As-tu une carte détaillée reprenant ton itinéraire à partager avec moi ?
    J’ai un peu peur des températures pour les nuits en tente. Est-il possible de trouver des gîtes/refuges sur ton parcours à des prix abordables ? Sais-tu s’il faut réserver à l’avance ?
    Si c’était à refaire, que ferais-tu différemment ?
    D’avance merci !
    Marina

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